Une recherche menée en France révèle que plus de 75% des patients âgés de plus de 90 ans reçoivent au moins cinq médicaments sur leur prescription, et environ un tiers en consomment dix ou plus. Il est également constaté que la prescription de certains médicaments diminue avec l’âge.
L’augmentation de la durée de vie a entraîné une hausse significative du nombre de personnes âgées de 90 ans et plus : de 21 millions en 2020 à une projection de 76 millions en 2050 globalement, selon les données de l’Organisation des Nations Unies [1]. Cette tranche d’âge présente souvent plusieurs maladies chroniques et subit des changements dans la manière dont leur corps traite les médicaments, ce qui justifie des prescriptions médicales complexes. Quel est le contenu de ces prescriptions ? Combien y a-t-il de médicaments ? Quelles sont les classes de médicaments concernées ? Une étude de cohorte française basée sur les données de 2022 provenant du Système national des données de santé (SNDS) fournit des réponses détaillées à ces questions [2].
En tout, environ 700 000 patients de 90 ans et plus couverts par l’Assurance maladie française ont été inclus dans l’étude.
Les trois quarts de ces patients :
- sont des femmes ;
- ont entre 90 et 94 ans (2,9 % ont plus de 100 ans) ;
- résident chez eux.
Les comorbidités les plus fréquentes incluent :
- l’hypertension artérielle traitée : présente dans près de 8 cas sur 10 (77 %) ;
- les maladies cardiovasculaires : présentes chez 1 personne sur 2 (50,4 %) ;
- la démence : touchant près de 1 personne sur 5 (17,7 %).
En 2022, un tiers des participants a été hospitalisé au moins une fois et 18 % sont décédés.
Sommaire
Les huit principales classes de médicaments
Au cours du premier trimestre, presque tous les individus de la cohorte ont pris au moins un médicament (93,8 %) [2].
Les prescriptions incluent :
- une médiane de 8 médicaments ;
- 5 médicaments ou plus (polymédication) dans plus de trois quarts des cas (77,7 %) ;
- 10 médicaments ou plus (hyperpolymédication) dans un tiers des cas (32,8 %).
Ces données sur la polymédication sont similaires à celles d’une récente étude italienne [3].
Les huit classes de médicaments les plus fréquemment prescrites sont :
- les antihypertenseurs : 73,8 % ;
- les analgésiques : 58,8 % ;
- les antithrombotiques : 55,3 % (dont un tiers d’antiplaquettaires) ;
- la vitamine D : 51,1 % ;
- les psychotropes : 42 % ;
- les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) : 36,7 % ;
- les médicaments pour la constipation (environ 25 %) ;
- les hypolipémiants (autour de 20 %).
Influence du sexe et du lieu de résidence
Une analyse des sous-groupes révèle que les femmes sont plus souvent traitées que les hommes (94,4 % versus 92,3 %). Elles reçoivent davantage d’analgésiques, de vitamine D, de psychotropes et d’hormones thyroïdiennes. Cependant, les hommes reçoivent plus fréquemment des antithrombotiques et des hypolipémiants.
Les individus résidant en établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) reçoivent également plus fréquemment des traitements médicamenteux que ceux vivant à domicile (97 % versus 92,9 %), en particulier des psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs, antipsychotiques) et/ou des traitements contre la constipation.
Une réduction des prescriptions avec l’âge
Il semble que les prescriptions diminuent légèrement avec l’âge : 94,1 % des personnes âgées de 90 à 94 ans reçoivent au moins un médicament, contre 93 % chez les 95 à 99 ans et 90,6 % chez les centenaires. Cette tendance est observée pour la majorité des classes thérapeutiques, notamment les hypolipémiants : 24,1 % chez les 90-94 ans versus 6,1 % chez les centenaires.
Les auteurs indiquent que ces résultats pourraient être dus à l’arrêt de médicaments potentiellement nocifs, inappropriés ou non nécessaires par le médecin, ou encore à un « effet du survivant en bonne santé ».
Il est également noté que certains traitements symptomatiques, comme ceux pour la constipation, augmentent avec l’âge : plus de 30 % chez les centenaires versus environ 25 % chez les 90-94 ans.
Stratégies pour la déprescription
Déprescrire est complexe et nécessite un « dialogue et une confiance entre les professionnels de santé et les patients » (cf. notre podcast du 28 novembre 2024).
Plusieurs approches sont discutées par les auteurs.
Réévaluation régulière des médicaments
Les chercheurs insistent sur l’importance de réévaluer régulièrement les prescriptions lors de chaque consultation :
- le délai d’efficacité est-il en adéquation avec l’espérance de vie des patients (4-5 ans à 90 ans, 3 ans à 95 ans, 2 ans à 100 ans [4] ? Les traitements préventifs à « bénéfice différé », tels que les antihypertenseurs, les antithrombotiques ou les statines, peuvent ne plus être appropriés après un certain âge.
- les symptômes sont-ils toujours présents en cas de traitement à visée symptomatique (principalement IPP, psychotropes, médicaments pour la constipation) ?
- quel est le rapport bénéfice/risque ?
Les auteurs rappellent que les antiplaquettaires, dont l’utilité est bien établie en prévention secondaire des événements cardiovasculaires, ne sont pas recommandés en prévention primaire chez les personnes de plus de 70 ans en raison des risques accrus de saignement et des bénéfices cardiovasculaires limités [5].
Ils notent également l’absence de données sur les bénéfices d’un traitement antihypertenseur en termes de prévention cardiovasculaire et cérébrovasculaire après 90 ans.
En ce qui concerne les médicaments symptomatiques, les auteurs signalent le taux élevé d’IPP prescrits dans plus de 6 ordonnances sur 10 en cas d’hyperpolymédication.
Les anxiolytiques et les antidépresseurs sont aussi largement prescrits, en particulier chez les personnes en institution (respectivement 47,7 % et 42,6 %). La « juste prescription » des psychotropes (cf. notre article du 3 octobre 2024) est complexe, d’autant plus que les traitements alternatifs sont rares et/ou difficiles à mettre en œuvre [6].
Objectifs thérapeutiques moins stricts
L. Kanagaratnam et al. [2] recommandent également d’adopter des objectifs moins stricts, notamment pour la gestion de l’hypertension artérielle et du diabète, pour minimiser les risques d’effets secondaires et améliorer la qualité de vie.
Outils pour la déprescription
Des outils existent pour aider les cliniciens à déprescrire, certains étant spécifiquement conçus pour les patients âgés et fragiles ayant une espérance de vie limitée, comme STOPPFrail (Screening Tool of Older Persons Prescriptions in Frail adults with limited life expectancy) [7].
Le site ameli.fr propose aussi une « boîte à outils pour la déprescription ».
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